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Interview exclusive avec Carlos Modesto, auteur du roman "Terre sans Ombre"
Le Meilleur du Portugal a eu le privilège d'obtenir une interview exclusive avec Carlos Modesto, l'auteur talentueux derrière le roman "Terre sans Ombre". Né en 1976, Carlos Modesto enseigne l'histoire-géographie et puise son inspiration dans les paysages arides et lumineux du Portugal. Son premier roman explore les liens profonds entre la nature et les hommes, offrant une immersion captivante dans l'Alentejo, la région la plus aride du Portugal...
L'interview de Carlos Modesto
- Quel est ton lien avec le Portugal et quel est ton parcours jusqu’à l’écriture de ce livre ?
Je suis fils d’un père portugais et d’une mère française. Je suis moi-même né en France. Le Portugal a toujours fait partie du quotidien à la maison. Une grande partie de l’année était passée à attendre que les vacances d’été arrivent. Nous les passions à Zambujeira do Mar, dans l’Alentejo, près de la ville d’Odemira où est né mon père. Et finalement, tout ça n’a pas beaucoup changé, si ce n’est le désir toujours plus grand de pouvoir un jour vivre en Alentejo.
J’ai suivi des études d’histoire et je suis devenu professeur d’histoire-géographie. J’enseigne dans un petit collège dans les Landes.
- Qu’est-ce qui t’a conduit à écrire ce livre ?
J’écris depuis très longtemps, des petits textes, des chroniques, des carnets de voyages, que j’ai toujours gardés pour moi. Je suis d’une nature assez contemplative et j’ai toujours aimé décrire les paysages et les sensations qu’ils me procuraient. Vers 2010, je suis tombé par hasard dans une librairie sur un livre qui m’a profondément bouleversé et donné l’envie d’écrire pour de bon. Ce roman s’appelle La pluie jaune. Il a été écrit par l’écrivain espagnol Julio Llamazares. Il se déroule en Aragon. C’est un livre sur la nature et la mémoire, l’identité, écrit dans une langue tragique et poignante et qui ne m’a jamais quitté depuis. J’y trouvais tout ce que j’aimais, à la fois dans les thèmes et dans l’écriture. Et il faisait écho à mon envie d’écrire sur l’Alentejo, d’en faire un portrait, de transcrire l’émotion que me procure sa contemplation. Je voulais écrire un roman de paysages et des gens dans ces paysages. Chaque année, j’ai recommencé le livre, chaque année je l’ai abandonné. Quand le confinement de 2020 a pris fin, j’ai ressenti un grand élan et je me suis dit que cette fois, c’était le moment, qu’il fallait enfin aller au bout de l’écriture.
- Quelle est l’histoire de ce livre ?
C’est l’histoire d’un départ, d’une fuite, d’une quête sur l’identité, les origines, la place du père, et des pères en général. Elle se déroule principalement entre août et décembre 2017. Un Luso-descendant, un fils, qui semble avoir fait le tour de sa vie en France et décide de s’installer au Portugal, mettre ses mains dans la terre pour y retrouver ses racines, faire vivre ses souvenirs et faire grandir cet héritage. On suit les premiers mois de son installation dans un petit monte de l’Alentejo, sur une colline à l’écart des villes. Le monte est une forme d’habitat typique de la région, il peut être aussi une très grande exploitation agricole. Il fait partie de son identité ce la région. Le narrateur fait la connaissance de son unique voisin, Augusto, dont la vie est derrière lui. Dans leur solitude, choisie ou subie, les deux hommes se rapprochent. Augusto fait partie de ces travailleurs de la terre qui ont façonné les paysages de l'Alentejo dans des conditions de vie difficiles. Cette installation est l'occasion pour le narrateur de s'interroger et de raconter des éléments de l'histoire et de la géographie de l'Alentejo, comme le montado (la forêt de chênes-lièges), la vie dans les campagnes au temps où les montes dominaient le paysage et les hommes; des personnages ou des emblèmes, comme la révolte de Catarina Eufémia, le cante alentejano (les chants polyphoniques de la région), la chanson de la Révolution Grândola, Vila Morena, des lieux comme Odemira, la ville de mon père. Au fur et à mesure, on découvre davantage Augusto, qui symbolise l’histoire de l’Alentejo au XXe siècle, mais aussi un Alentejo qui s’éteint, ou qui se transforme plutôt, parce que le pays et les générations se renouvellent.
- Quel est le message que tu souhaites transmettre avec ce livre ?
C’est une question difficile, chacun y lira ce qu’il veut. C'est un roman sur l'identité, sur la transmission du patrimoine immatériel qu’est le paysage longuement façonné, poli. Il parle de prendre soin du paysage, qui est un legs des aïeux. Il parle aussi du sentiment de dépossession, qui vient du décalage entre les anciennes et les nouvelles générations. Les montes ont fini de dominer le paysage. En ruines sur leur colline, ils n’imposent plus la domination du riche propriétaire sur les paysans démunis qu’ils employaient. Ils sont comme des bateaux échoués, des épaves. Ils ne peuvent cacher leur déclin. Je trouve cela très émouvant, déchoir.
Je crois que ce livre est aussi un hommage et une déclaration d’amour, à l’Alentejo, au Portugal, à ma grand-mère et à mon père. Écrire sur l'Alentejo, c'était parler de mon père. Je ne pouvais pas séparer les deux, ils ne faisaient qu'un. C'est en Alentejo que je me sens bien. C'est la terre à laquelle j'aimerais appartenir et je le dois à mon père. Ce roman est une manière de lui dire merci.
- As-tu un message à adresser à ceux qui souhaitent commencer la lecture de ce livre ?
Je leur dirais que j’ai voulu écrire un livre lumineux sur un territoire que j’aime profondément. Le lire est une façon de découvrir une région qui n’est pas forcément la plus connue du Portugal. Le titre vient d’une chanson populaire qui dit que « Alentejo não tem sombra » (l’Alentejo n’a pas d’ombre). C’est une terre de lumière, très pure même au cœur de l'hiver. J'aime cette lumière, intense, aveuglante. J’aime aussi l’idée que tout ramène à la terre. C'est elle qui nous porte et nous nourrit. En Alentejo, tout est plus fort, l'océan est plus bleu, les murs sont plus blancs, tout éblouit. Le titre évoque aussi une chaleur si intense qu’elle oblige l’homme à l’immobilité. En été, l’espace et le temps, la nature et les hommes finissent par se fondre dans un paysage sans fin. Mais paradoxalement il y aura toujours pour moi une ombre dans ce paysage, celle de mon père. Partout où je regarde, je le vois. Et cette ombre est celle de tous ceux qui ont façonné ce paysage. Elle devient une présence.
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